«J’ai des droits. J’ai le droit à l’éducation, j’ai le droit de jouer, j’ai le droit de chanter, j’ai le droit de parler, j’ai le droit d’aller au marché, j’ai le droit de m’exprimer.»

Malala Yousufzai

mardi 30 novembre 2021

Enfants: le droit à l’enfance ne doit pas en faire des sous-citoyens


Oui, les enfants ont le droit imprescriptible de vivre leur enfance dans la joie et l’insouciance et dans des conditions décentes avec toute l’assistance voulue pour que celle-ci leur permette une vie d’adulte réussie.

Mais, oui, les enfants doivent aussi être des personnes à part entière, droit tout aussi imprescriptible, c’est-à-dire que l’enfance doit aussi être un temps où ils doivent être considérés comme des citoyens comme les autres avec leurs droits garantis (et évidemment adaptés à leurs âges).

Ainsi, la parole de l’enfant ne peut être une sous-parole mais elle ne doit pas non plus être instrumentalisée ou, pire, dictée par les adultes.

Et là, on entre dans la responsabilité des parents et de la société qui doit, à la fois, protéger et émanciper les enfants, leur transmettre le savoir et leur permettre d’exprimer ce qu’ils sont, ce qu’ils veulent, ce qu’ils ressentent et ce qu’ils vivent sans interférence, sans interprétation biaisée.

Comme le dit l’ancien conseiller du président François Mitterrand, Jacques Attali, qui vient de sortir un programme pour 2022 et qui passe par une prise de conscience sur la nécessité de garantir un avenir mais aussi un présent aux enfants:

«Un des premiers droits des enfants est le droit à l’enfance, qui renvoie à tous les autres. C’est le plus urgent et le plus difficile à satisfaire car il est aussi un devoir des parents. Et de la société s’ils sont défaillants.»

Dans nos sociétés actuelles où, contrairement à ce que prétendent certains réactionnaires, l’enfant n’est pas roi mais endure toute une série de pressions et est victime de violences parfois extrêmes, il est soit considéré comme un objet de vénération – et non un sujet – soit comme un problème potentiel où on lui fait porter un fardeau d’un monde qu’il subit dès lors qu’il s’écarte d’une règle que parfois il ne connait même pas au vu de la démission de ses parents et de la communauté à lui enseigner les fondamentaux de la vie en commun et du respect de l’autre que, bien souvent, ni eux, ni elle ne pratiquent….

Sans oublier tous ces enfants qui vivent dans la pauvreté et qui n’ont guère d’espoir d’en sortir si on ne les aide pas.

Tous les gouvernements qui se sont succédé jusqu’à présent, ont agi à la marge.

C’est pourquoi, lorsqu’une initiative est prise en leur faveur, il convient de l’applaudir en rappelant en préambule ce qui est écrit ci-dessus.

En l’occurrence, il s’agit de l’Appel à défendre les droits de l’enfant dans l’environnement numérique qu’Emmanuel Macron vient de lancer au Forum de la paix de Paris le 11 novembre et rédigé en collaboration avec l’UNICEF pour faire en sorte qu’internet ne soit pas un monde sauvage pour les enfants mais un endroit où, en toute sécurité, on peut apprendre, communiquer et s’amuser.

Une vaste ambition au vu de ce qu’est devenu le web aujourd’hui…

L’autre initiative qu’il faut saluer est  la Déclaration de Paris à investir dans les futurs de l’éducation qui a été prise lors de la Réunion mondiale sur l’éducation qui s’est également tenue à Paris le 10 novembre.

Mais, globalement, nous sommes encore loin d’une société à hauteur d’enfant, c’est-à-dire vraiment humaniste et respectueuse.

samedi 20 novembre 2021

Faire de tous les jours, une Journée internationale de l’enfant


Le problème avec les Journées mondiales, c’est que le grand public s’en fiche.

Et comment pourrait-il en être autrement puisque nous avons un nombre presqu’infini de ces journées avec certaines qui se déroulent le même jour!

Sans parler que pratiquement personne ne sait quand elles ont lieu.

Une Journée est donc notre bonne conscience pour souvent ne pas ou ne plus agir, voire même ne plus se souvenir…

La Journée internationale de droits de l’enfant n’y échappe évidemment pas.

Organisée tous les 20 novembre, elle n’est quasiment pas fêtée et ne donne lieu à aucun événement d’envergure qui pourrait lui donner de la visibilité.

Et c’est bien dommage tant la cause des enfants requiert une attention entière et totale de la communauté internationale, de tous les habitants de la planète.

Partout, oui partout – et avec des degrés différents évidemment – des enfants sont en danger et cette être fragile qu’est l’enfant doit être protégé et ses droits promus.

L’enfant est jeune mais pas un sous-citoyen, il doit pouvoir être une personne à part entière et son intégrité physique et mentale doit être en même temps assurée.

Quel pays au monde peut dire qu’il est parvenu à faire que tous ses enfants bénéficient de ce statut?

Aucun.

D’où ce que nous disions sur la nécessité de mettre cette cause comme une priorité.

D’autant que des enfants qui connaissent le bien être dans tous les domaines (affectif, sécuritaire, sanitaire, acquisition des savoirs, etc.) sont des adultes qui seront capables de comprendre les enjeux de la planète, d’être responsables et d’avoir une vision humaniste.

Pour ceux qui ne voient que par le biais des intérêts et de l’utilitarisme, un enfant heureux est un donc investissement gagnant pour l’Humanité et pour chacun de ses membres.

Il n’y a donc aucune raison de ne pas agir sur une toute autre échelle que ce qui se fait actuellement.

Et comme ces grands rendez-vous sur le climat et la protection de notre environnement, il serait bon que les enfants aient les leurs.

jeudi 14 octobre 2021

La cause des enfants, la grande oubliée du quinquennat


Ce n’est pas un hasard si un collectif CEP, « Construire ensemble la politique de l'enfance», a décidé de s’inviter dans la campagne présidentielle afin de réclamer une véritable politique en faveur des enfants et faire progresser leurs droits et leur protection avec des slogans comme «une politique publique universelle pour l'enfance» ou «respect intégral des droits des enfants».

Voilà qui est bienvenu tant le constat en la matière est sévère pour ce quinquennat qui n’a guère agi dans ce domaine à part à la marge et dans l’éducation.

On le rappelle, Emmanuel Macron a refusé de créer un ministère dédié à l’enfance en 2017 avant de créer en 2019 un simple secrétariat s’occupant uniquement de «la protection de l’enfance» et confié à Adrien Taquet dont le bilan est assez mince pour ne pas dire plus.

On a même l’impression que sa mission ne l’intéressait guère.

Une mission d’ailleurs si peu importante que dans les rangs du gouvernement, il est en dernière position…

Bien sûr, comme le dit le collectif CEP, la situation des enfants en France n’est pas comparable à ce qu’elle peut être dans certains pays où ceux-ci souffrent de la pauvreté, d’une violence endémique, du travail forcé, d’une absence d’enseignement et de multiples autres maux.

Néanmoins, dire que dans notre pays les enfants sont aujourd’hui respectés et protégés comme ils le devraient n’est pas vrai.

A fortiori de reprendre cette vieille et stupide expression de l’«enfant-roi» qui n’a jamais eu la moindre parcelle d’existence.

Le scandale actuel de la pédophilie dans l’église catholique montre que la société a fermé les yeux pendant des décennies sur ce qui se savait, même si l’ampleur n’était pas connue.

Et tous les jours des enfants sont violentés et meurent sous les coups de leurs bourreaux.

Quant à leurs droits de personnes à part entière, ils sont souvent, dans la réalité de leur exercice, inexistants ou virtuels.

Oui, il y a encore beaucoup à faire pour que l’enfance soit vraiment une priorité politique, ce qui est loin d’être le cas actuellement et constitue un échec pour une société qui se veut avancée, progressiste et humaniste.

Espérons que le prochain quinquennat, quel que soit le président élu, rattrapera cet oubli majeur et qu’une vraie politique de l’enfance verra le jour avec un vrai ministère des enfants.

samedi 3 juillet 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. PMA pour toutes, avancée ou recul, tout dépend de qui on parle


Quand les partisans de la Procréation médicalement assistée (PMA) autorisée à toutes les femmes se réjouissent en affirmant que c’est une avancée du droit des femmes, ils ont raison.

Quand les défenseurs du droit des enfants estiment qu’il s’agit d’un recul en la matière,, ils pointent du doigt que rien ne permet en l’état de dire que la possibilité pour un couple de lesbiennes ou pour une femme seule d’utiliser cette technique ne comporte pas de risques pour les enfants, ils ont raison d’exprimer leur inquiétude.

Laissons en revanche de côté tous les défenseurs des soi-disant «valeurs traditionnelles» qui s’offusquent d’un effondrement de la civilisation judéo-chrétienne et dont le combat n’a rien d’humaniste.

Tout comme nous laisserons de côté ceux qui en ont fait un combat uniquement emblématique des droits des homosexuels parce qu’il convient que partout, sans se soucier des conséquences éventuellement négatives, ceux-ci soient les mêmes que les hétérosexuels.

Parce ce que ce qui nous occupe ici c’est bien que l’avancée d’un droit auquel on pourrait applaudir sans réserve fait face au possible recul d’un autre.

Qu’une mesure qui va aider psychologiquement un groupe de la population risque de causer des dommages du même acabit à un autre.

Et non d’une opposition entre «progressistes» (ceux pour la PMA) et «rétrogrades» (ceux qui demandent qu’on privilégie le droit des enfants) parce que pour ces derniers les termes sont bien évidemment inversés.

Car, malgré tout ce que prétendent les défenseurs de la PMA pour toutes, aucune étude sérieuse n’a jusqu’à présent démontré que des enfants élevés par des parents du même sexe ne connaissaient pas des problèmes au cours de leur existence.

Et ce n’est pas les quelques témoignages d’enfants issus de cette technique de procréation assurant qu’ils n’ont aucun handicap par rapport à leur état – ce qui est tant mieux pour eux – qui font une généralité.

Rappelons simplement que nombre d’enfants qui ont été adoptés ou qui ont été élevés par une mère célibataire sans connaitre qui est leur géniteur, souhaitent savoir l’identité de leur père et, pour beaucoup d’entre eux, entame des recherches et des démarches à cet effet à un moment ou l’autre de leur existence (sans que cela ne remette en cause le principe de l’adoption qui permet à ces enfants de trouver une famille qui va leur donner l’amour dont ils ont besoin).

Si cela ne leur posait pas un problème de ne pas savoir, pourquoi alors se lancer dans cette quête?

Peut-être que cette dernière ne démontre pas qu’ils souffrent de troubles psychologiques ou affectifs issu directement de l’état que connaissent les enfants issus de la PMA, c’est-à-dire de celui de ne pas avoir eu de figure masculine (et féminine lorsqu’il s’agit d’une adoption par un couple gay).

C’est vrai, nous ne le savons pas.

Comme pour la PMA.

Reste qu’en la matière, cette absence de savoir aurait du déclencher, partout dans le monde, le principe de précaution en faveur de ceux qui peuvent être impactés par cette situation, en faveur de l’intérêt de l’enfant.

Or, c’est tout le contraire que l’on a fait.

Au lieu d’attendre des données suffisamment importantes et documentées démontrant une absence de risque, on a privilégié le désir des femmes au nom du droit à l’enfant et non le bien-être des enfants au nom de leurs droits.

C’est cela qui est en cause pour les nombreux humanistes qui estiment qu’une société ne peut légaliser des pratiques qui ne sécurisent pas le droit de celui qui est le plus fragile, le plus faible et le plus vulnérable tant que l’on ne saura pas avec exactitude.

Parce que, bien sûr, un enfant né «naturellement» d’un père et d’une mère, vivant avec eux, n’est pas à l’abri de problèmes de violences physiques ou psychologiques qui peuvent aboutir à des drames comme le font remarquer justement les défenseurs de la PMA et de l’adoption par des couples homosexuels.

Ce qu’ils oublient de dire et qui est le cœur du débat, c’est que la société réprime ces agissements de la part de parents «traditionnels» alors qu’en ce qui concerne la PMA, elle autorise une pratique qui peut causer des problèmes, heureusement de moindre importance.

Evidemment, les défenseurs du droit des enfants ne sont pas nés de la dernière pluie et savent, tout en le regrettant, que la PMA ainsi que la GPA (Gestation pour autrui) n’ont pas attendu d’être légalisées ici ou là pour être pratiquées.

Ce qu’ils refusent, c’est, en l’espèce, leur légalisation c’est-à-dire leur reconnaissance par la société qui a décidé d’autoriser sans être sûr de leur innocuité.

In fine, la décision définitive aurait du être prise lorsqu’il aurait été possible d’affirmer le plus scientifiquement possible qu’aucun enfant ne saurait souffrir de vivre sans père, en l’occurrence.

Mais, comme pour l’adoption de couples homosexuels, c’est le contraire qui s’est passé.

Enfin, n’ouvre-t-on pas la boite de Pandore dont la prochaine étape sera la légalisation de la GPA malgré les affirmations de certains – pas tous malheureusement – défenseurs de la PMA puis d’une autorisation d’autres pratiques qui seront possibles dans les années qui viennent comme celle d’une gestation hors du ventre d’une mère voire la fabrication de sperme et d’ovocyte de synthèse avec le choix de toutes les caractéristiques d’un enfant à naître comme on choisit les options d’une voiture?

Il ne s’agit pas d’agiter des épouvantails mais bien de ne pas occulter un  possible engrenage qui irait jusqu’à changer notre condition.

Il ne s’agirait plus alors de défendre les droits des femmes, des enfants ou des minorités mais bien les droits humains.

Alexandre Vatimbella

dimanche 14 février 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Enfants: protéger, évidemment, mais sans oublier émanciper



L'enfant est une personne.

Et une personne à part entière, à laquelle, même si elle a donc des droits identiques aux adultes, la société doit protection et assistance particulières.

Parce que la société doit garantir à l’enfant, personne en construction, de pouvoir grandir et se réaliser dans la plus grande sécurité possible.

Comme le dit le préambule de la Convention des droits de l’enfant: «l’enfance a droit à une aide et une assistance spéciales» afin d’assurer son bien-être.

Mais cette protection qui ne souffre aucune discussion et qui comporte aujourd’hui encore de nombreuses failles qui ne sont pas acceptables, ne doit pas faire oublier le volet émancipation qui a été, comme la sécurité, à l’origine de cette convention qui lui garantit «le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant», des opinions qui doivent être «dûment prises en considération».

A l’aune d’affaires récentes de violences et d’agressions intolérables et insupportables, on tend à parler uniquement de sécurité et n'évoquer qu'à la marge les droits des enfants.

Il ne faut pas que la préoccupation sécuritaire qui doit prendre encore plus d’ampleur n’étouffe néanmoins l’exigence émancipatrice qui, doit, elle aussi prendre une dimension supplémentaire.

D’autant, que sur cette vague sécuritaire surfe à nouveau un discours qui tend à tout simplement nier les droits de l’enfant, faisant de lui un être complètement irresponsable, auquel on dénie tout choix autonome et lui imposer une tutelle stricte au nom d’errances réelles dont il n’est pas responsable, donc qui ne peuvent justifier le retour à un ordre antérieur où sa volonté était complètement ignorée ou bridée à l’excès.

C’est vrai que ce mouvement d’émancipation a trop souvent été instrumentalisée par des adultes, conduisant ainsi à des comportements répréhensibles de ceux-ci à l’égard des enfants et à nombre d’errements notamment dans les années 1960 et 1970 lorsque, au nom d'une liberté de la sexualité infantile, certains ont, par exemple, prôné des relations «libérées» avec des adultes comme le fit une frange du mouvement hippy ainsi que nombre de militants de la gauche radicale ou de l'anarchisme.

Une époque qui faisait encore que dans les années 1980, on pouvait inviter des pédophiles assumés sur les plateaux de télévision et, quoi qu’en disent ceux qui les recevaient alors et qui parlent aujourd’hui pour se dédouaner d’un «autre temps», suscitait chez beaucoup un dégoût absolu!

Des erreurs que l'on rappelle fort justement à tous ceux qui avaient oublié que l'émancipation des enfants n'est rien sans une véritable protection, qu’émancipation est le contraire d’exploitation.

Oui, la liberté pour vraiment exister nécessite la sécurité, même chez les enfants, surtout chez les enfants.

Cependant, cette dernière ne doit pas être un prétexte à refaire de l'enfant un être incapable auquel on nie sa personnalité, son individualité, donc sa capacité à faire des choix.

Ainsi que l’explique le pédiatre Janusz Korczak, cette grande figure de la défense des enfants assassiné avec les orphelins dont il s’occupait par les nazis à Treblinka:

«L’enfant est un être doué d’intelligence qui connait lui-même ses besoins, ses problèmes, ses difficultés. Pas besoin d’ordres despotiques, de rigueurs imposées, d’un contrôle méfiant. Ce qu’il faut, c’est du tact pour rendre l’entente possible, et une confiance en l’expérience, qui facilitera la cohabitation, la collaboration. L’enfant n’est pas un sot: chez eux les imbéciles ne sont pas plus nombreux que chez nous. Nous drapant dans notre dignité d’adultes, nous leur imposons cependant un nombre considérable de devoirs ineptes et de tâches irréalisables. Que de fois l’enfant ne s’arrête-t-il pas frappé de stupeur devant tant d’arrogance, d’agressivité, tant de bêtises âgées.»

D’autant que, dans le même temps, vis-à-vis de la délinquance juvénile, c’est un discours de répression qui est devenu majoritaire, ce qui signifie que l’on estime que les enfants et les adolescents doivent être responsables de leurs fautes à l’encontre de la société mais donc pas de leurs choix personnels!

Un paradoxe incompréhensible et incohérent qui fait de l’enfant un être à deux têtes, ce qui arrange bien les adultes.

On ne peut pas protéger l’enfant de lui-même quand il veut faire des choix de vie et le réprimer lorsqu’il fait des infractions et des transgressions!

Il ne faudrait pas que la protection, indispensable et incontournable, ne rime avec régression et retour à un temps où l'enfant était considéré comme un inapte à décider en tout, notamment tout ce qui concernait sa vie, où ses parents choisissaient pour lui de ses vêtements à ses lectures, de ses loisirs à ses études, de ce qu'il devait penser, dire et aimer.

Comme l’écrit fort justement le sociologue François de Singly:

«La reconnaissance de l’enfant comme personne, comme individu, ne signifie pas que l’enfant est un adulte. Elle indique que le processus central des sociétés contemporaines occidentales – l’individualisation – touche désormais aussi les enfants. La nature sociale de l’enfant dans nos sociétés est d’être double: être ‘petit’ – c’est incontestable – mais aussi d’être un individu comme les autres méritant d’être traité avec le respect propre à toute personne. (…) L’enfant est à la fois fragile comme un enfant et respectable comme tout être humain. (…) Cette tension permanente entre ‘protection’ et ‘libération’ caractérise la spécificité de l’individualisation pour l’enfant.»

Ici, il n'y a aucunement l'idée de prétendre que les prédateurs et les criminels n'existent pas et qu'il ne convient pas de les empêcher de nuire et de mettre entre eux et les enfants une barrière infranchissable.

Et, cela va de soi, toute violence contre un enfant doit être sanctionnée le plus durement possible alors que ce n'est toujours pas le cas malheureusement comme vient d'en témoigner le verdict de 20 ans de prison seulement pour le tortionnaire du petit Tony, trois ans, torturé et frappé jusqu’à l’ignominie, jusqu’à sa mort.

Reste que l'on ne peut pas dire à un pré-adolescent et à un adolescent qu'il ne peut rien décider de sa vie et qu'il n'a aucun discernement.

Tout cela est une question d'équilibre et n'est pas toujours aisé à réaliser mais on ne peut réduire l'enfant à un être, voire un objet, à protéger non seulement, contre les autres mais également contre lui-même quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, quoi qu’il veuille accomplir.

En revanche, cette protection renforcée pourrait être le point de départ d'une amélioration de la condition des enfants dans la société où, malgré les inepties de quelques «spécialistes», ils ne sont pas des rois et n'ont même pas la place que nous croyons leur avoir fait – la réalité et les statistiques le montrent clairement – même s'il est évident que nous les considérons plus et sans doute mieux qu'il y a un siècle ou deux.

Mais cette amélioration ne peut être réelle que si cette meilleure protection s'accompagne d'une plus grande émancipation ce qui implique que les adultes s'attèlent à bâtir un monde où le respect de l'enfant sera un impératif catégorique qui se traduira concrètement par une planète qui ne sera pas uniquement celle des adultes où les enfants ont comme injonction de devoir s'adapter quoi qu'il leur en coûte et de se taire mais un monde que ces adultes auront rendu également à la hauteur de leurs enfants, ce qui, au-delà de la taille des corps, nécessite une élévation qui est bien plus forte que ce qui a été fait jusqu’à maintenant.

Entendre la parole de l’enfant et de l’adolescent, ce n’est pas seulement l’entendre quand il parle des agressions et des violences qu’il a subies mais aussi quand il parle de sa condition et de ses souhaits.

Les écouter, c’est leur permettre de se réaliser tout en les protégeant.

En les comprenant, nous ferons d’eux de vraies personnes.

Et comme le dit le poète:

«Vos enfants ne sont pas vos enfants, ce sont les fils et les filles de l’appel de la Vie. Ils viennent à travers vous et non pas de vous, et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas» (Khalil Gibran)

Alexandre Vatimbella

 

dimanche 24 janvier 2021

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Agressions sexuelles d’enfants: et si enfin la notoriété ne protégeait plus l’ignominie



Plusieurs affaires de pédophilie et d’inceste impliquant des célébrités des mondes culturels, économiques et politiques semblent montrer que la notoriété, enfin, ne protège plus de l’ignominie.

Ceux qui privilégiaient jusqu’à présent les célébrités commettant ces actes inqualifiables et insupportables sur les victimes sont en train de perdre cette bataille.

Nombre de ceux-ci d’ailleurs semblent même avoir compris leur errance coupable.

Beaucoup mais pas tous, loin de là…

Mais réjouissons-nous quand même de cette prise de conscience de la société que des enfants violés par des adultes, ce n’est plus acceptable dans ce troisième millénaire par des gens qui auraient, sinon des excuses pour agir, en tout cas une sorte d’immunité due à leur position ou leur œuvre.

Parce que comment expliquer rationnellement qu’un cinéaste, un universitaire ou un écrivain à succès puissent être exonérés de leurs crimes parce qu’ils ont un curriculum vitae brillant?

On ne le peut évidemment pas.

Pourtant, par un tour de passe-passe improbable où la mauvaise foi se dispute avec un désintérêt total des victimes qui deviennent même parfois les agresseurs parce qu’ils osent prendre la parole et dénoncer des soi-disant icônes qui devraient être au-dessus de la contingence du quotidien et même de la morale la plus basique, certains continuent à crier au lynchage de ces individus dont les comportements de lâcheté et d’hubris les ont amenés à l’impardonnable.

Toute personne qui se réclame des valeurs humanistes ne peut en aucun cas accepter ces raisonnements qui sont honteux et dévoilent le côté sombre de leurs propagateurs dont la complicité intellectuelle et éthique avec les perpétrateurs est une évidence.

Pendant longtemps, par l’intimidation, par les sous-entendus, par des procédés indignes, ils ont réussi, grâce à leur entregent, à éviter aux célébrités criminelles qui abusent des enfants, c'est-à-dire des êtres qui n’ont pas les moyens de se défendre contre les adultes, ce qui rend leurs méfaits particulièrement nauséabonds, de devoir rendre des comptes à la société et à la justice.

Les dernières affaires révélées et l’indignation qu’elles ont provoquées dans la société sonnent, je l’espère, le glas de cette impuniité tout en libérant la parole et, peut-être, en faisant réfléchir à deux fois ces tristes personnages d’agir.

Et de toujours citer cette phrase de cet infatigable défenseur des droits des enfants, Jean-Pierre Rosenczveig:

«C’est à la place faite aux enfants que l’on juge une société et sa culture».