«J’ai des droits. J’ai le droit à l’éducation, j’ai le droit de jouer, j’ai le droit de chanter, j’ai le droit de parler, j’ai le droit d’aller au marché, j’ai le droit de m’exprimer.»

Malala Yousufzai

samedi 26 janvier 2019

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Adoption, PMA, GPA: l’enfant n’est ni un objet, ni une marchandise, ni un esclave


Question: dans quel type de société un être humain est une marchandise que l’on peut acquérir et échanger, vendre et acheter, lui déniant la qualité de sujet pour en faire un simple objet?
Il n’y en a qu’une: la société esclavagiste.
Question: dans quel type de société les droits à posséder un être humain sont mis sur le même plan que les droits de l’être humain?
Il n’y en a qu’une: la société esclavagiste.
Dans le monde, la traite ou «trafic» d’être humains, une pratique encore largement pratiquée, en particulier d’enfants, est interdite et tombe sous le coup de la loi.
Dans une démocratie républicaine, l’individu paré de son statut de personne, ne peut être l’objet de droits appartenant à quelqu’un d’autre mais uniquement être un sujet ayant des droits, les siens.
De ce point de vue, rappelons que personne ne peut posséder un enfant, même pas ses parents.
Oui, l’enfant jusqu’à sa majorité est sous la tutelle de ses parents mais c’est uniquement pour son bien et non pour un quelconque intérêt ou profit de son père et de sa mère.
C’est même pour ça qu’un enfant qui gagne de l’argent d’une manière ou d’une autre doit recevoir ses revenus sur un compte bloqué qui ne pourra être utilisé que par lui-même lors de sa majorité.
Aujourd’hui, dans une société où chacun veut, non seulement, ses droits, mais pouvoir les étendre jusqu’à dénier ceux des autres et, demain, dans une société où les technologies pourront encore plus défier le statut de l’humain et le modeler (comme c’est le rêve déviant d’un transhumanisme avec, entre autres, des bébés «synthétiques» qui n’auront plus besoin d’un homme et d’une femme pour être conçus), l’enfant n’est plus qu’un (cher) objet à posséder.
On est, dès lors, prêt à mettre le prix pour l’acquérir quand il n’est pas possible de l’avoir par voie naturelle, la conception par un homme et une femme.
Il en est ainsi souvent de l’adoption d’autant plus quand l’enfant vient d’un pays étranger (où les frais divers sont élevés, sans parler de l’achat de l’enfant déguisé en rétribution de la famille et des intermédiaires), des techniques d’insémination dans le cas de la PMA (procréation médicalement assistée), sans parler de la rémunération d’une mère porteuse et des filières en cas de GPA (gestation pour autrui).
On comprend bien que tout cela a peu à voir avec le bien-être de l’enfant à venir et de ses droits mais concerne uniquement le désir d’adultes et un secteur économique où l’enfant est bien une marchandise qui se monnaye.
J’entends déjà ceux qui crient à l’escroquerie.
La traite d’enfants et leur esclavage concerne leur vente pour un travail forcé, une exploitation sexuelle ou l’enrôlement en tant que soldat.
Mais est-ce que ce droit à l’enfant dérivé du désir d’avoir un enfant par une voie non-naturelle et financière n’est-elle pas assimilable?
Pour les défenseurs des droits de l’enfant, elle l’est in fine même si, évidemment, elle n’est pas identique.
Afin d’éviter cette représentation juste de cette problématique, les défenseurs du droit à l’enfant ont déplacé le débat en le portant sur l’affect (l’envie «naturelle» d’être parent) et sur l’égalité entre les humains à posséder ce «droit à» (il s’agit en fait d’une nouvelle dérive égalitariste).
En noyant la réalité crue que l’enfant n’est ici que l’objet d’une relation commerciale et financière qui ne profite qu’à une partie, l’acheteur et/ou le payeur (que cet achat ou ce paiement soit direct ou indirect), ils veulent éviter les réactions négatives de la population qu’ils veulent attendrir par les sentiments en parlant du désespoir et de la souffrance (réelles) de ceux qui désirent un enfant et ne peuvent en avoir par la voie naturelle.
De même, ils tentent par tous les moyens de présenter ceux qui sont contre comme des affreux réactionnaires, des partisans d’un monde ancien et dépassé, des obscurantistes, des homophobes viscéraux, etc.
Malheureusement, tous ceux que l’on vient de nommer se trouvent effectivement contre l’adoption par un couple de même sexe, la PMA et la GPA.
Mais ils ne le sont jamais parce qu’ils défendent le bien-être de l’enfant et souvent ils se battent même contre les droits de l’enfant pour promouvoir l’autorité parentale sans borne avec l’aide de pédopsychiatres réactionnaires et rétrogrades.
Leur seule motivation est l’idéologie, une vision culturelle selon eux «traditionnelle» de la société et de la famille, en réalité réactionnaire et rétrograde, qui nuit fortement à la cause des enfants qui est la seule défendue ici.
Ici, encore, la seule voie défendable est l’adoption si elle est réalisée dans un cadre non-commercial ainsi que non-financier et qu’elle réponde aux seuls critères du bien-être de l’enfant (c’est pourquoi, en l’absence actuelle de preuves que cela n’affecte pas ce dernier, l’adoption par un couple de même sexe devrait encore être interdite aujourd’hui jusqu’à preuve du contraire, ce qui n’est plus le cas dans notre pays et dans d’autres où, alors même qu’aucune enquête n’a pu conclure à l’innocuité pour tous les enfants concernés par de cette adoption, elle a été autorisée).
Ce qu’il y a de particulièrement dérangeant et de tristement fascinant, c’est, dans ce débat essentiel, l’absence de l’enfant en tant que sujet parmi les défenseurs de l’adoption et la PMA pour tous, sans parler de ceux qui défendent la GPA.
La Gauche a inventé le «principe de précaution» adoubé par une partie de la Droite (c’est un président de droite, Jacques Chirac, qui l’a inscrit dans la Constitution) et du Centre afin d’éviter des risques possibles pour les individus.
Mais, si on ne l’utilise pas dans ce qui est le plus cher à l’Humanité et le plus fragile dans notre condition humaine, l’enfant et l’enfance, alors on joue aux hypocrites, aux apprenti-sorciers et on fait fi de toutes les valeurs humanistes que l’on prétend vouloir porter haut et fort.
Ce combat n’est pas réactionnaire et ne se confond pas avec les diatribes des extrémistes qui veulent une société normalisée et fermée.
Il est celui de l’Humanisme le plus ouvert, celui qui met au premier rang l’enfant et seulement lui.
Dans une société humaniste et progressiste fière de ses valeurs, ce ne sont pas les droits à l’enfant qu’il convient de développer mais bien ceux des droits de l’enfant qui sont les seuls légitimes en l’espèce.
Je sais que je navigue, avec d’autres humanistes, à contre-courant.
Mais je sais aussi que ce qui m’anime, avec ces autres, est uniquement le respect et la dignité de l’enfant.
Et, pour moi, c’est un engagement progressiste dans la modernité, une entreprise humaniste au plus haut degré.
Ce n’est certainement pas un combat d’arrière-garde mais bien d’avant-garde comme celui mené en son temps par Janus Korczak ou celui de Françoise Dolto et de quelques autres qui ne pensaient qu’à une chose: le bien de l’enfant.
Un dernier mot: que ceux qui parlent constamment du «droit à l’enfant» tentent de se mettre, un moment, dans la peau de ceux qui pensent au «droit de l’enfant».
Si cela ne leur est pas possible, qu’ils pensent aux droits de l’humain et qu’ils se demandent si, eux, ils souhaiteraient être l’objet, sans leur consentement, d’une marchandisation pour assouvir le désir des autres.
Je suis pour les droits de chacun, les droits de tous; je suis pour les droits de chaque communauté, les droits de toutes les communautés.
Mais il y a une chose que ces droits ne peuvent mettre en péril, il s’agit des droits de l’humain (ce que l’on continue à appeler communément les «droits de l’homme), et plus particulièrement, parce que c’est essentiel, parce que cela dit de nous ce que nous sommes vraiment, les droits de l’enfant.
Il faut bien comprendre que les droits de certains ne peuvent mettre en cause les droits fondamentaux des autres, pour quelque raison que ce soit.
Et les droits à l’enfant quels que soient leurs motifs affectifs, ne peuvent jamais primer sur les droits fondamentaux de l’enfant.