«J’ai des droits. J’ai le droit à l’éducation, j’ai le droit de jouer, j’ai le droit de chanter, j’ai le droit de parler, j’ai le droit d’aller au marché, j’ai le droit de m’exprimer.»

Malala Yousufzai

mercredi 20 novembre 2019

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Les devoirs de la société vis-à-vis des enfants

On fête donc, en ce 20 novembre, journée des droits de l’enfant, le trentième anniversaire de la signature de la Convention des Droits de l’Enfant qui fut et reste un progrès énorme dans la reconnaissance de l’enfant comme une personne, dotée de droits et ayant son autonomie par rapport aux adultes dont ses parents.
Ce progrès et d’autres qui ont eu lieu au cours du XX° et du XXI° siècles avec des personnalités comme Janusz Korczak, Françoise Dolto ou Benjamin Spock, entre autres, ont permis à certains imbéciles de prétendre que le règne de l’enfant-roi était survenu et que celui-ci était sur-gâté, surprotégé et sous-discipliné.
Une aberration totale pour tous ceux qui s’intéressent ou s’occupent de la cause de l’enfance à travers le monde où, partout, même dans nos «sociétés avancées», des enfants sont assassinés, violentées, maltraités, vivent dans la pauvreté, n’ont pas accès à l’éducation et à la santé, etc.
En réalité, souvent l’enfant est considéré par des parents-rois comme un objet de valeur et non un sujet de droit, qui a, comme ils le réclament d’abord pour eux, droit au respect (qui est ici plutôt une révérence sans contrepartie) mais n’en a pas le devoir, d’où cette dénonciation sans fondement de sa toute-puissance qui n’est, in fine, qu’un leurre.
D’ailleurs, cette déification irresponsable d’être avant tout le fils ou la fille de ses parents – mais pas un être autonome – est un handicap énorme pour toute son existence.
En fêtant cet anniversaire des droits de l’enfant, il est donc plus qu’urgent de dire à tous les adultes et, en particulier à tous les responsables politiques, que la société a des devoirs vis-à-vis des enfants.
Parce que cette notion des droits est assez abstraite pour certains qui n’y voient qu’une sorte d’appellation contrôlée que l’on applique à des campagnes, des colloques, des livres mais qui n’est pas très parlante au quotidien.
Alors qu’en parlant des devoirs des adultes en la matière, c’est pointer que chacun de nous doit rendre des comptes aux enfants et non pas être des spectateurs désengagés de tous les maux qu’ils peuvent subir du fait de nos actes, de nos décisions, de notre refus d’agir ou de regarder.
Oui, même si cette affirmation est devenue un enfoncement de porte ouverte, le respect de l’enfant et de l’enfance n’est pas une réalité de notre monde actuel.
Bien entendu, des améliorations, parfois éminentes, ont eu lieu ainsi que des prises de conscience mais il reste tant à faire.
Une réalité qui n’a pas été au rendez-vous du début du quinquennat d’Emmanuel Macron puisque, de manière scandaleuse, aucun ministère n’était dédié à la protection de l’enfance.
Cet «oubli» volontaire a été depuis réparé mais avec un simple secrétariat de «protection de l’enfance» (alors qu’il faudrait un ministère «de l’enfance» comme le demande le défenseur infatigable de la cause des enfants qu’est Jean-Pierre Rosenczveig), qui a une mission parfois très restrictive des droits de l’enfant et du respect de sa dignité et de son individualité au cœur de son émancipation et de la possibilité de réaliser son propre «projet de vie» pourtant si chère à Emmanuel Macron.
Ainsi, par exemple, pour ce qui est de la PMA et de la GPA – quel que soit l’opinion que l’on a sur ces pratiques – c’est avant tout le droit des adultes, des hommes et des femmes, qui a été mis en avant par les responsables de la majorité et, surtout, du secrétaire d’Etat en charge de la protection des enfants plutôt que celui des enfants que l’on a plutôt traité en simples objets de désirs que chacun aurait le droit de posséder s’il en manifestait l’envie.
C’est pour cela que les devoirs vis-à-vis des enfants doivent être mis en avant car cela renverse la problématique en ne faisant pas des droits une belle vitrine que l’on regarde en se félicitant de l’avoir rendue si attrayante mais en rappelant sans cesse aux adultes qu’ils ont cette obligation morale, éthique et juridique de respecter l’enfance dans toutes ses dimensions parce que oui, comme le disaient Korczak, Dolto et Spock, l’enfant est une personne.



mardi 25 juin 2019

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Les humanistes préfèreront toujours les droits de l’enfant au droit à l’enfant


Il n’existe pas (encore) de permis pour devenir parent.
La plupart s’en réjouira, certains estimeront néanmoins qu’un tel examen pourrait éliminer les bourreaux d’enfants et les irresponsables.
Mais depuis que les humains sont les humains, la rencontre d’un spermatozoïde mâle et d’un ovule femelle suffit à créer un nouvel être.
Et les couples hétérosexuels n’ont donc pas besoin de se voir délivrer un «droit à l’enfant» en règle général.
En revanche, tous ceux qui ne peuvent procréer de cette manière (couples stériles, homosexuels, personnes seules) ont besoin de voir reconnu ce droit à l’enfant afin de mettre au monde un être grâce à l’intervention de la science médicale ou d’en adopter un.
Un droit qui peut se discuter en regard de ce qui ne se discute pas: les droits de l’enfant.
Ainsi, il est une évidence qui n’est malheureusement pas évidente pour tout le monde: l’être humain n’est pas un objet.
Donc, dès qu’il devient un être à part entière dans le ventre de sa mère (au bout de quelques semaines, ce qui permet l’avortement avant ce passage d’un amas de cellules à l’existence d’un humain), il a des droits, les mêmes que ceux des autres humains, les mêmes que ceux des autres enfants.
Bien entendu, il est encore un enfant à naître mais il ne peut être considéré comme n’existant pas, ce qui serait une absurdité sans nom.
Or donc, son existence lui donne des droits.
Et, parmi ceux-ci, il y a celui de ne pas être instrumentalisé par le désir d’un autre si cela peut lui porter préjudice.
C’est bien de cela que l’on doit parler quand on discute de procréation assistée, de gestation pour autrui et d’adoption (voire dans un avenir plus ou moins proche de la conception artificielle d’un être humain), du droit de l’enfant à ne pas être le seul objet du désir d’un autre mais à être considéré comme un humain dont on ne peut, par la loi, mettre éventuellement son équilibre de vie, notamment psychologique, en danger.
Dès lors, il y a une règle qui doit s’appliquer impérativement: le principe de précaution.
Inutile dans la plupart de ses applications prévues par la loi actuelle (et son inscription dans la Constitution), ce principe est indispensable là où il ne s’applique pas: le futur du nouveau-né.
Quand la ministre de la Solidarité et de la Santé, Agnès Buzyn, ose affirmer que «le droit à la PMA ne nuit à personne», c’est, à la fois une possible négation des droits de l’enfant à naître – qui ne serait donc pas une personne, selon elle – et une affirmation péremptoire alors même que les spécialistes de l’enfance ne peuvent répondre à la question parce qu’ils ne le savent pas avec exactitude (je laisse de côté ceux qui s’appuient sur leur opinion et non sur les preuves scientifiques, qu’ils soient pour ou contre la PMA, la GPA et l’adoption par des couples homosexuels).
Or, si l’on ne peut répondre à la question et avant de pouvoir le faire avec le minimum d’erreur, c’est bien le principe de précaution qui doit s’appliquer, c'est-à-dire de ne pas permettre ce droit à l’enfant grâce à la PMA, la GPA et l’adoption par des couples homosexuels.
Je sais bien que l’adoption est déjà légale (du fait de la légalisation, justifiée, du mariage homosexuel) et qu’il n’est pas à l’ordre du jour de la supprimer mais cela ne saurait la légitimer pour autant éthiquement, moralement et philosophiquement.
En outre, la GPA, elle, doit être interdite pour tous car elle fait de l’enfant, non plus l’objet d’un désir d’un autre mais un objet tout court ainsi que, dans bien des cas également, de la mère porteuse une simple matrice.
Que l’on comprenne bien que dès lors que l’on démontrera sans équivoque que ce droit à l’enfant n’a aucune conséquence négative sur les droits de l’enfant, plus rien ne s’opposera à ce qu’il soit accordé à ceux auxquels il est destiné.
Ici, il n’est pas question d’une bataille entre archaïques et modernes, conservateurs et progressistes, homophobes et défenseurs des minorités sexuelles et que sais-je encore, comme veulent le faire croire certains, mais bien une cause humaniste qui n’a qu’un but: le bien-être de l’enfant.
C’est en tout cas la seule position que l’on doit avoir si l’on se considère humaniste et non membre de lobbies qui, d’un côté, n’ont qu’à la bouche le droit à l’enfant et, de l’autre, celui de la «famille traditionnelle» et qui n’ont que peu d’intérêt pour un enfant dont ils ont fait un objet de revendication.
Quand l’actualisation de la loi bioéthique arrivera au Parlement, espérons, sans trop y croire, que les représentants de la nation lorsqu’ils parleront de PMA (qui va être autorisée selon le projet de loi dévoilé par le Gouvernement) pour tous et de GPA (qui demeurera interdite en France) auront cette simple équation en tête: d’abord les droits de l’enfant, ensuite le droit à l’enfant et jamais la satisfaction de revendications de groupes de pressions dans une démarche clientéliste, honteuse en l’espèce.




samedi 26 janvier 2019

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Adoption, PMA, GPA: l’enfant n’est ni un objet, ni une marchandise, ni un esclave


Question: dans quel type de société un être humain est une marchandise que l’on peut acquérir et échanger, vendre et acheter, lui déniant la qualité de sujet pour en faire un simple objet?
Il n’y en a qu’une: la société esclavagiste.
Question: dans quel type de société les droits à posséder un être humain sont mis sur le même plan que les droits de l’être humain?
Il n’y en a qu’une: la société esclavagiste.
Dans le monde, la traite ou «trafic» d’être humains, une pratique encore largement pratiquée, en particulier d’enfants, est interdite et tombe sous le coup de la loi.
Dans une démocratie républicaine, l’individu paré de son statut de personne, ne peut être l’objet de droits appartenant à quelqu’un d’autre mais uniquement être un sujet ayant des droits, les siens.
De ce point de vue, rappelons que personne ne peut posséder un enfant, même pas ses parents.
Oui, l’enfant jusqu’à sa majorité est sous la tutelle de ses parents mais c’est uniquement pour son bien et non pour un quelconque intérêt ou profit de son père et de sa mère.
C’est même pour ça qu’un enfant qui gagne de l’argent d’une manière ou d’une autre doit recevoir ses revenus sur un compte bloqué qui ne pourra être utilisé que par lui-même lors de sa majorité.
Aujourd’hui, dans une société où chacun veut, non seulement, ses droits, mais pouvoir les étendre jusqu’à dénier ceux des autres et, demain, dans une société où les technologies pourront encore plus défier le statut de l’humain et le modeler (comme c’est le rêve déviant d’un transhumanisme avec, entre autres, des bébés «synthétiques» qui n’auront plus besoin d’un homme et d’une femme pour être conçus), l’enfant n’est plus qu’un (cher) objet à posséder.
On est, dès lors, prêt à mettre le prix pour l’acquérir quand il n’est pas possible de l’avoir par voie naturelle, la conception par un homme et une femme.
Il en est ainsi souvent de l’adoption d’autant plus quand l’enfant vient d’un pays étranger (où les frais divers sont élevés, sans parler de l’achat de l’enfant déguisé en rétribution de la famille et des intermédiaires), des techniques d’insémination dans le cas de la PMA (procréation médicalement assistée), sans parler de la rémunération d’une mère porteuse et des filières en cas de GPA (gestation pour autrui).
On comprend bien que tout cela a peu à voir avec le bien-être de l’enfant à venir et de ses droits mais concerne uniquement le désir d’adultes et un secteur économique où l’enfant est bien une marchandise qui se monnaye.
J’entends déjà ceux qui crient à l’escroquerie.
La traite d’enfants et leur esclavage concerne leur vente pour un travail forcé, une exploitation sexuelle ou l’enrôlement en tant que soldat.
Mais est-ce que ce droit à l’enfant dérivé du désir d’avoir un enfant par une voie non-naturelle et financière n’est-elle pas assimilable?
Pour les défenseurs des droits de l’enfant, elle l’est in fine même si, évidemment, elle n’est pas identique.
Afin d’éviter cette représentation juste de cette problématique, les défenseurs du droit à l’enfant ont déplacé le débat en le portant sur l’affect (l’envie «naturelle» d’être parent) et sur l’égalité entre les humains à posséder ce «droit à» (il s’agit en fait d’une nouvelle dérive égalitariste).
En noyant la réalité crue que l’enfant n’est ici que l’objet d’une relation commerciale et financière qui ne profite qu’à une partie, l’acheteur et/ou le payeur (que cet achat ou ce paiement soit direct ou indirect), ils veulent éviter les réactions négatives de la population qu’ils veulent attendrir par les sentiments en parlant du désespoir et de la souffrance (réelles) de ceux qui désirent un enfant et ne peuvent en avoir par la voie naturelle.
De même, ils tentent par tous les moyens de présenter ceux qui sont contre comme des affreux réactionnaires, des partisans d’un monde ancien et dépassé, des obscurantistes, des homophobes viscéraux, etc.
Malheureusement, tous ceux que l’on vient de nommer se trouvent effectivement contre l’adoption par un couple de même sexe, la PMA et la GPA.
Mais ils ne le sont jamais parce qu’ils défendent le bien-être de l’enfant et souvent ils se battent même contre les droits de l’enfant pour promouvoir l’autorité parentale sans borne avec l’aide de pédopsychiatres réactionnaires et rétrogrades.
Leur seule motivation est l’idéologie, une vision culturelle selon eux «traditionnelle» de la société et de la famille, en réalité réactionnaire et rétrograde, qui nuit fortement à la cause des enfants qui est la seule défendue ici.
Ici, encore, la seule voie défendable est l’adoption si elle est réalisée dans un cadre non-commercial ainsi que non-financier et qu’elle réponde aux seuls critères du bien-être de l’enfant (c’est pourquoi, en l’absence actuelle de preuves que cela n’affecte pas ce dernier, l’adoption par un couple de même sexe devrait encore être interdite aujourd’hui jusqu’à preuve du contraire, ce qui n’est plus le cas dans notre pays et dans d’autres où, alors même qu’aucune enquête n’a pu conclure à l’innocuité pour tous les enfants concernés par de cette adoption, elle a été autorisée).
Ce qu’il y a de particulièrement dérangeant et de tristement fascinant, c’est, dans ce débat essentiel, l’absence de l’enfant en tant que sujet parmi les défenseurs de l’adoption et la PMA pour tous, sans parler de ceux qui défendent la GPA.
La Gauche a inventé le «principe de précaution» adoubé par une partie de la Droite (c’est un président de droite, Jacques Chirac, qui l’a inscrit dans la Constitution) et du Centre afin d’éviter des risques possibles pour les individus.
Mais, si on ne l’utilise pas dans ce qui est le plus cher à l’Humanité et le plus fragile dans notre condition humaine, l’enfant et l’enfance, alors on joue aux hypocrites, aux apprenti-sorciers et on fait fi de toutes les valeurs humanistes que l’on prétend vouloir porter haut et fort.
Ce combat n’est pas réactionnaire et ne se confond pas avec les diatribes des extrémistes qui veulent une société normalisée et fermée.
Il est celui de l’Humanisme le plus ouvert, celui qui met au premier rang l’enfant et seulement lui.
Dans une société humaniste et progressiste fière de ses valeurs, ce ne sont pas les droits à l’enfant qu’il convient de développer mais bien ceux des droits de l’enfant qui sont les seuls légitimes en l’espèce.
Je sais que je navigue, avec d’autres humanistes, à contre-courant.
Mais je sais aussi que ce qui m’anime, avec ces autres, est uniquement le respect et la dignité de l’enfant.
Et, pour moi, c’est un engagement progressiste dans la modernité, une entreprise humaniste au plus haut degré.
Ce n’est certainement pas un combat d’arrière-garde mais bien d’avant-garde comme celui mené en son temps par Janus Korczak ou celui de Françoise Dolto et de quelques autres qui ne pensaient qu’à une chose: le bien de l’enfant.
Un dernier mot: que ceux qui parlent constamment du «droit à l’enfant» tentent de se mettre, un moment, dans la peau de ceux qui pensent au «droit de l’enfant».
Si cela ne leur est pas possible, qu’ils pensent aux droits de l’humain et qu’ils se demandent si, eux, ils souhaiteraient être l’objet, sans leur consentement, d’une marchandisation pour assouvir le désir des autres.
Je suis pour les droits de chacun, les droits de tous; je suis pour les droits de chaque communauté, les droits de toutes les communautés.
Mais il y a une chose que ces droits ne peuvent mettre en péril, il s’agit des droits de l’humain (ce que l’on continue à appeler communément les «droits de l’homme), et plus particulièrement, parce que c’est essentiel, parce que cela dit de nous ce que nous sommes vraiment, les droits de l’enfant.
Il faut bien comprendre que les droits de certains ne peuvent mettre en cause les droits fondamentaux des autres, pour quelque raison que ce soit.
Et les droits à l’enfant quels que soient leurs motifs affectifs, ne peuvent jamais primer sur les droits fondamentaux de l’enfant.